Cet article ne sera pas une énième analyse sur l'odeur et le goût des appâts, de l'amorce. Certains l'ont déjà traité bien mieux que je ne le ferais d'ailleurs. Si ce sujet vous intéresse, je vous invite à consulter le rapport Jawadnya sur la stimulation des sens, il est riche en enseignements! Plutôt qu'une approche purement objective, je voudrais aborder ici un aspect moins palpable que l'on a parfois trop tendance à négliger à mon sens à la pêche : le ressenti personnel.
Ah ! La technique !
Sans cesse, à travers les réseaux sociaux, les magazines, les différents supports proposés, est mis en avant l'aspect technique de la pêche. D'ailleurs, tout est bien classé par "technique de pêche". Pour notre plus grand bonheur (et celui des fabricants d'articles de pêche), il devient possible de s'adapter à des situations de plus en plus pointues, spécifiques, avec du matériel développé pour une utilisation bien précise. Il faut bien entendu s'en réjouir, cela nous offre souvent la possibilité de tirer notre épingle du jeu lors de sorties où peut-être, nous n'aurions pas vu l'ombre d'une écaille sans quelque innovation. Oui, il faut bien l'admettre, bien que certains soient encore sous-exploités pour diverses raisons, nombreux sont les terrains de jeu où les poissons sont sous pression. La méfiance est de rigueur, et les journées simples où l'on enchaîne les prises comme par enchantement ne sont pas forcément monnaie courante, tout du moins sur le domaine public. Chaque succès nécessite recherche, dextérité, adaptation.
Une journée de pêche est prévue cette semaine, je dispose d'un peu de temps pour préparer tout le matériel dans les règles de l'art. Chaque ligne est ajustée de la façon la plus juste possible, en rapport avec le poste où je projette de me rendre. Tout est en place, comme j'aime, je suis paré à faire feu. Il n'y aura pas de place au doute, je vais pêcher efficacement, rapidement, et le poisson sera au rendez-vous car je sais que le plan est réglé comme une horloge Suisse. D'ailleurs, ce n'est pas l'échosondeur qui va me contredire, il me conforte directement dans mes idées lorsque je scrute l'écran. Il y a bien une cassure ici, ce haut fond est encore bien propre et marqué, quelques échos de poisson se font même remarquer. La technologie au service de la pêche, c'est quand même fantastique!
Ca passe ou ça casse ?
Le temps fait son œuvre, l'horloge Suisse distille ses secondes. Il serait faux de le nier, la journée est agréable. Oui mais...on le sent arriver. Et de loin. Le poisson, Si il se trouve bel et bien dans la zone où notre dévolu et nos montages ont été jetés, ne réagit pas tout à fait comme nous l'avions prévu. Aucune alerte n'est venue troubler la quiétude du lieu, et la perspective de tout ranger sans avoir eu la moindre action se laisse de plus en plus entrevoir. Certes, il y aura bien quelques tentatives vaines de changer le destin en modifiant quelques paramètres, mais cela n'y changera plus rien. Il faut bien se rendre à l'évidence, au regard du résultat, cette partie de pêche est un échec. Contre toute attente. Je rentre à la maison en me frottant la tête. Quelles erreurs ai-je bien pu commettre ?
Dans ces moments, la déconvenue peut être grande, suivant notre niveau d'expérience et la tolérance de chacun vis-à-vis de la non-prise. Parfois, un sentiment d'injustice est bien présent : rien n'a été laissé au hasard, l'investissement en temps et en analyse a été important. La pêche est une discipline qui peut parfois s'avérer cruelle : nous ne sommes pas toujours justement rémunérés à la hauteur de notre investissement. C'est précisément là qu'il faut remettre les choses en perspective.
Lâcher prise
Ne l'oublions pas, aller à la pêche implique d'évoluer dans un milieu naturel. Chaque biotope (habitat + habitants)a des caractéristiques et des réactions qui lui sont propres en fonction de multiples paramètres que nous ne maîtrisons pas. Aller à la pêche induit inconsciemment de faire une synthèse dans son esprit de tout ce que nous avons pu apprendre jusque là au bord de l'eau, dans des circonstances plus ou moins similaires, et essayer de reproduire cela (en adaptant toujours au mieux évidemment) pour tirer au maximum profit de la situation en ayant les meilleurs résultats possibles. Ce mécanisme se produit de façon plus ou moins consciente, mais il est possible qu'il soit en partie coupable de certaines de nos déroutes. Ceux qui me connaissent savent que j'aime penser que rien n'est toujours tout blanc ou tout noir, bien tranché. D'autant plus encore à la pêche. Ce qui était vrai hier ne l'est peut-être plus tout à fait aujourd'hui. Tout change, tout évolue. Alors pourquoi vouloir réitérer les exploits d'hier en resservant la même recette, qui va certainement sentir le réchauffé, en agissant par réflexe, par habitude ?
Débrancher son cerveau peut alors s'avérer salvateur. Arrêter de vouloir synthétiser tout un tas d'informations permet de s'affranchir d'un poids certain et de se rendre au bord de l'eau l'esprit libre et serein. Il est possible d'en tirer un regain de plaisir du fait d'une contrainte moindre. Comme pour d'autres domaines et moments de la vie, il faut savoir être dans l'instant présent pour s'imprégner du lieu, de l'ambiance, sans forcément chercher à analyser de suite ce qui s'y passe. Notre inconscient est très doué pour faire ces analyses, il faut faire confiance à cet allié de taille.
La preuve du contraire
Je vais vous résumer ma dernière partie de pêche en date à l'heure où j'écris ces lignes. Devant me rendre au pied levé pour un rendez-vous professionnel à une heure de route de chez moi, je pars en emportant 2 cannes et une poignée d'appâts dans ma voiture, "au cas-où". L'entrevue se finissant à une heure raisonnable, je m'arrête sur une pièce d'eau modeste en cours de route, dont j'ai connaissance, mais où je n'ai pas l'habitude d'aller du fait de son éloignement. Au lieu de me précipiter car je dispose de peu de temps, je marche, tranquillement, avec mes cannes en main. Je ne veux pas spécialement rentabiliser mon temps de pêche disponible. Juste prendre du plaisir à être ici. Après un certain temps, je remarque un endroit où j'ai tout simplement envie de poser mes cannes. Un spot que je n'avais jamais pêché. J'expédie deux montages simples, avec chacun une poignée de bouillettes. Sans enjoliver la chose, je ferai coup sur coup, en moins d'une heure, deux carpes communes d'un gabarit plus qu'honnête! Tout m'a semblé tellement simple! Merci à mon intuition qui a certainement joué un grand rôle.
Le plaisir, maître mot
Certes, adopter ce genre de fonctionnement nécessite peut-être un minimum d'expérience sur les berges. Encore que je n'en sois pas forcément certain. L'intuition est quelque chose que nous possédons tous, il faut simplement savoir l'écouter et lui faire confiance.
Oui, certains diront que cela ne fonctionnera pas à tous les coups. Quoiqu'il en soit, aucune formule magique permettant de croiser la route des poissons systématiquement n'existe. A travers cet article, je n'ai pas tenté de dire qu'il faut nécessairement se priver des technologies, des matériaux novateurs, qui inondent le marché de la pêche. Là où je veux en venir, c'est qu'il faut selon moi savoir en faire bon usage, et qu'ils ne doivent en aucun cas prendre la place de notre bon sens humain, et de notre sens de l'eau !
Les exemples que je vous ai exposé ici se sont pour ma part vérifiés à de multiples reprises. J'en suis désormais convaincu, développer sa sensibilité et écouter son ressenti est un gage de plus de légèreté, de plaisir et de résultats à la pêche !
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